Monde intérieur / monde extérieur, des frontières entre réalité et subjectivité
Marc Lasseaux, psychanalyste , fondateur de l’association « Die Brücke »
A peine ce titre posé, mon propos vient le contredire. Une réalité, en tant que réalité objective,
n’existe pas. Pour un psychanalyste, la réalité renvoie à une réalité interne à la personne : les
affects, la vision du monde, le désir. Cette réalité interne est l’objet de projections qui, souvent, font
croire que la réalité interne n’y peut, et qu’il y a bien une réalité externe tangible, descriptible. Notre
monde technicisé, avec ses convictions en un Tout Science - vérité absolue accrédite des réalités
descriptibles comme clivées de la subjectivité, c’est-à-dire des vérités qui s’énoncent et se vérifient
par la preuve.
Dans cette affaire, comment situer le travail de l’artiste et à fortiori celui de Véronique Masurel ?
Depuis l’impressionnisme, la question d’une représentation subjective et des procédés pour la
produire a mobilisé et mobilise encore des artistes autour d’un impossible : représenter ce qui ne
se représente pas, mais se perçoit ou se ressent.
Le dire relève d’une grande banalité, voire d’un discours convenu, ou même dépassé. Pour autant,
la vitalité et la quête en sont infinies.
Véronique suit le fil d’un dépouillement, le sien, celui des représentations d’un jardin de l’enfance
qui ne se sont jamais éteintes, des forêts et de ce qu’elles génèrent d’imaginaire, de symbolique et
d’archaïque.
Comment représenter jardin et forêts, non comme une réalité descriptible qui met la représentation
du côté du naturalisme, mais comme une production subjective ? Par son double travail, pictural et
dessiné, Véronique tisse un va et vient entre un naturalisme apparent, celui du dessin, et une
abstraction vers laquelle sa peinture tend.
Comment simplifier sans simplisme ? Comment aller à la structure, n’en rien montrer, encore
moins démontrer et faire surgir le désir, l’archaïque, le souvenir, la résurgence, la réinterprétation ?
Comment s’y perdre, se réjouir de ce foisonnement, voir l’arbre et pas seulement la forêt, le
plissement d’une tige et pas seulement la touffe, voir la touffe et pas seulement l’immensité
éperdue, voir l’immensité éperdue de ce qui est visible par la représentation, c’est-à-dire le plein ?
Comment voir ce qui existe entre les pleins et que l’on désigne communément par simplisme « le
vide » ? La réponse tient dans mes questions. Comme en musique, le plein n’existe que par le
blanc, ce vide habité, comme le bruit existe par les silences. Le jardin comme la forêt ne font
jamais silence. Ils peuvent faire silence du bruit humain, mais bruisse de craquements, de chants,
de souffles, de bruits secs ou humides, et tremble des lumières que chaque brin d’herbe et feuille
vient diffracter. C’est ce projet, cette utopie jamais finie que l’exposition « plus loin que les vastes
forêts »*1 vient soutenir. Je suis heureux de vous présenter le travail de Véronique Masurel qui,
comme la forêt, sous son apparente immobilité hiératique, bouillonne de son constant
remaniement.
*1 - d’après le poème « Voeu » de Victor Hugo.
Marc Lasseaux, psychanalyste , fondateur de l’association « Die Brücke »
A peine ce titre posé, mon propos vient le contredire. Une réalité, en tant que réalité objective,
n’existe pas. Pour un psychanalyste, la réalité renvoie à une réalité interne à la personne : les
affects, la vision du monde, le désir. Cette réalité interne est l’objet de projections qui, souvent, font
croire que la réalité interne n’y peut, et qu’il y a bien une réalité externe tangible, descriptible. Notre
monde technicisé, avec ses convictions en un Tout Science - vérité absolue accrédite des réalités
descriptibles comme clivées de la subjectivité, c’est-à-dire des vérités qui s’énoncent et se vérifient
par la preuve.
Dans cette affaire, comment situer le travail de l’artiste et à fortiori celui de Véronique Masurel ?
Depuis l’impressionnisme, la question d’une représentation subjective et des procédés pour la
produire a mobilisé et mobilise encore des artistes autour d’un impossible : représenter ce qui ne
se représente pas, mais se perçoit ou se ressent.
Le dire relève d’une grande banalité, voire d’un discours convenu, ou même dépassé. Pour autant,
la vitalité et la quête en sont infinies.
Véronique suit le fil d’un dépouillement, le sien, celui des représentations d’un jardin de l’enfance
qui ne se sont jamais éteintes, des forêts et de ce qu’elles génèrent d’imaginaire, de symbolique et
d’archaïque.
Comment représenter jardin et forêts, non comme une réalité descriptible qui met la représentation
du côté du naturalisme, mais comme une production subjective ? Par son double travail, pictural et
dessiné, Véronique tisse un va et vient entre un naturalisme apparent, celui du dessin, et une
abstraction vers laquelle sa peinture tend.
Comment simplifier sans simplisme ? Comment aller à la structure, n’en rien montrer, encore
moins démontrer et faire surgir le désir, l’archaïque, le souvenir, la résurgence, la réinterprétation ?
Comment s’y perdre, se réjouir de ce foisonnement, voir l’arbre et pas seulement la forêt, le
plissement d’une tige et pas seulement la touffe, voir la touffe et pas seulement l’immensité
éperdue, voir l’immensité éperdue de ce qui est visible par la représentation, c’est-à-dire le plein ?
Comment voir ce qui existe entre les pleins et que l’on désigne communément par simplisme « le
vide » ? La réponse tient dans mes questions. Comme en musique, le plein n’existe que par le
blanc, ce vide habité, comme le bruit existe par les silences. Le jardin comme la forêt ne font
jamais silence. Ils peuvent faire silence du bruit humain, mais bruisse de craquements, de chants,
de souffles, de bruits secs ou humides, et tremble des lumières que chaque brin d’herbe et feuille
vient diffracter. C’est ce projet, cette utopie jamais finie que l’exposition « plus loin que les vastes
forêts »*1 vient soutenir. Je suis heureux de vous présenter le travail de Véronique Masurel qui,
comme la forêt, sous son apparente immobilité hiératique, bouillonne de son constant
remaniement.
*1 - d’après le poème « Voeu » de Victor Hugo.